Ce que je cherchais avant tout, c’est le point de vu d’une personne qui travaille au quotidien en contact avec la nature et qui interagisse avec elle.
C’est un article sur l’aménagement de berges paru dans un journal local qui m’a permis de prendre contact avec Pierre Loiseau, technicien rivière pour la communauté de commune du Genevois, avec l’envie de lui proposer une interview mais sans savoir pourtant quel pourrait en être le sujet.
Après avoir envisagé plusieurs approches, j’ai décidé de lui poser une question directe sans tourner autour du pot ni prendre de gants… mais comme il est d’usage sur l’éco-blog, toujours dans la bonne humeur : la parole est à la défense !
Finalement, aménager l’environnement ne nuit-il pas à l’environnement ?
P.Loiseau : Globalement OUI, malheureusement ! Parce que l’Homme s’est depuis trop longtemps détaché de son Environnement, mais on y revient.
Aménager l’Environnement correspond aujourd’hui à en faire ce que l’homme en attend :
- que ce soit esthétique mais pas trop couteux, et sans trop de frais d’entretien, pour les protections de berges par exemple;
- mais aussi, on le voit dans les documents de planification de l’aménagement d’une commune (passage de Plan d’Occupation des Sols (POS) en Plan Locaux d’Urbanisme (PLU)), il faut désormais définir une affectation, c’est-à-dire une utilité ou une vocation (schématiquement entre agricole, urbanisable ou naturelle), à toutes les parcelles d’un territoire. Il y a comme « une peur du vide » de l’espace non utilisé.
A contrario, l’aménagement de sites naturels comme par exemple les zones humides, les pelouses sèches, et bien d’autres… permet à ces milieux de maintenir leurs intérêts floristiques (ex: Orchidées, Sabot de Vénus, etc.) et écologiques (ex: les zones humides stockent de l’eau en période pluvieuses et la restituent lors de périodes sèches). Naturellement, c’est-à-dire sans intervention humaine, ces milieux se fermeraient pour se banaliser (zones humides => saulaie => aulnaie/frênaie => forêt).
Comment communiquez-vous sur vos actions auprès de la population, des élus, des industriels… ?
P.Loiseau : Nous avons différents axes de communication autour du Contrat de Rivières.
Pour sensibiliser les plus jeunes, nous proposons aux enseignants du canton pour les classes de CE1 à CM2, et récemment aux 6èmes et 5èmes de Collèges, 3 demi-journées d’animation autour de leur rivière locale, élargi en fin de séance aux gestes éco-citoyens qu’ils pourraient mettre facilement en œuvre dans leur vie quotidienne (ex: je coupe l’eau quand je me lave les mains ou les dents, ou que je me savonne sous la douche, j’installe un récupérateur d’eau de pluie pour arroser mon jardin, je fais le tri de mes déchets et créer un espace de compost au fond du jardin, etc.)
Pour sensibiliser la population, des réunions publiques pour les grands projets (assainissement des communes, gestion des bois le long des rivières,etc.), des articles dans les journaux locaux et les bulletins municipaux, des plaquettes d’information / sensibilisation, parfois des panneaux d’information suite à l’aménagement de sites.
Pour sensibiliser les élus, des réunions lors de l’établissement des projets, des articles dans la presse, voir des séminaires de formation sur des grandes thématiques par exemple la gestion des eaux pluviales, ou comment réduire voir supprimer l’utilisation de produits phytosanitaires dans la gestion des espaces verts.
Pour sensibiliser les industriels et agriculteurs, des journées de formation sur différentes thématiques, jusqu’à la mise en demeure des Services de l’Etat de se mettre aux normes suite à des pollutions chroniques ou récurrentes.
Quelle est votre définition du mot nature ?
P.Loiseau : Ma première définition : « Sans adjuvant, sans intervention humaine » et sinon « Ensemble des biocénoses qui interagissent, entre elles, et avec la biosphère ».
Biocénoses = ensemble des êtres vivants => biocénose animale, végétale, bactérienne…
Biosphère = ensemble des éléments chimiques et physiques qui conditionnent la vie => la géologie, l’atmosphère, la météorologie, la température…
On oppose souvent nature et urbain aujourd’hui.
Comment intégrez-vous la problématique environnementale dans votre métier ?
P.Loiseau : Grâce à la concertation. Avant, les gestionnaires faisaient de l’information, c’est-à-dire qu’on expliquait ce que l’on allait faire mais on ne tenait pas, ou que peu, compte des avis divergeant.
Aujourd’hui, autour de la plupart des projets il y a une concertation préalable afin de tenir compte de l’avis de tous. Cependant, cela ne veut pas pour autant dire que l’on pourra le faire, mais au moins toutes les remarques et formulations sont prises en compte.
Quels efforts sont entrepris pour ne pas perturber l’éco-système et les milieux aquatiques ?
P.Loiseau : Pour ce qui concerne les rivières, nous procédons avant toute intervention mécanisée dans le lit d’un cours d’eau à une pêche électrique de sauvetage des poissons dans le secteur d’intervention et jusqu’à une centaine de mètres en aval.
Puis les poissons sont remis dans le même cours d’eau suffisamment en amont ou un autre. De plus, nous travaillons régulièrement à sec, c’est-à-dire en déviant tout ou partie de l’eau dans un tuyau ou en pompant et en rejetant l’eau en aval de nos travaux.
Quel message aimeriez-vous faire passer aux lecteurs ?
P.Loiseau : l’Écologie n’est pas une mode, ni un luxe, ni un mouvement d’utopiques : c’est une nécessité de société !
Mickaël (pour l’éco-blog) : Merci Pierre pour vos réponses et pour l’action de sensibilisation que vous menez. J’aurais peut-être personnellement la chance de participer prochainement à l’un de vos stages sur le terrain et de tenter d’en savoir plus sur la façon dont vous agissez pour limiter l’impact de l’homme et de ses activités sur l’environnement. A bientôt donc !
Plus d’infos :
- Le contrat de rivière www.eaufrance.fr
- Les gestes qui coulent de source http://etat.geneve.ch
- Centre Permanent d’Initiatives Pour l’Environnement (CPIE) www.cpie.fr
(Crédit photos Pierre Loiseau)