Le T-shirt bio, tout le monde en parle. Mais quand le T-shirt se met au vert, il s’agit d’y voir clair. Entre espoirs, marketing et réalité, voici quelques infos qui devraient vous permettre d’en savoir un peu plus sur cette affaire (qui nous concerne tous) et de connaître les dessous de notre meilleur ami saisonnier…
Le Tee-shirt décomposé
Pour comprendre notre ami en forme de T, quoi de mieux qu’un petit cours d’anatomie ? Sans entrer dans les détails, la chaîne est assez simple. Le premier aspect de la fabrication, c’est le tricotage. Un tricot qui part ensuite chez le teinturier où le tissu est traité et teint. Puis il finit sa route dans les ateliers de coupe et de confection.
A priori, rien de bien méchant, sauf que le plupart de ces étapes sont aujourd’hui réalisées en Asie du Sud-Est — bien loin de chez nous — dans des conditions plus qu’hasardeuses. On appelle ça les ateliers de misère « Sweatshops » (pour les intimes). T-shirt : 1 – Humain : 0.
A ce stade, n’abordons même pas la question écologique… Malgré les campagnes de marketing de la Fast-Fashion (dont les scandales éclaboussent régulièrement les collections), les normes sont quasi-inexistantes. A tel point que les fleuves et rivières avoisinants les ateliers changent régulièrement de couleur au gré des tendances. T-shirt : 2 – Poissons : 0.
Mais les dégâts ne s’arrêtent pas là. Car quand il est commercialisé, notre ami a déjà fait le tour du monde. Et souvent… plusieurs fois ! Quand on sait ce qu’un cargo consomme, ça fait froid dans le dos. Ces gigantesques navires utilisent du fioul lourd — sous-produit du pétrole — qui émet en larges quantités particules fines, oxydes d’azotes, mais aussi des oxydes de soufre, l’une des principales sources d’acidification des pluies (très toxique pour les humains). Boom. T-shirt : 3 – Nature : 0.
Et l’ONG France Nature Environnement (FNE) enfonce le clou : « les carburants maritimes ont une teneur en soufre plus de 3 000 fois supérieure à celle des carburants utilisés par les voitures et les camions ». Vous l’aurez compris, compte tenu des volumes de T-shirts produits chaque année (au bas mots plusieurs centaines de millions), sa simple fabrication fait de lui l’un des principaux ennemis de la planète. Rappelons au passage que la mode est la deuxième industrie la plus polluante, juste derrière le pétrole. #FinDuGame.
Vous êtes déprimés ? Attendez la suite. Car la majeure partie de nos amis sont confectionnés à base de coton. Une culture… ultra-polluante.
Coton & T-shirt, un couple inséparable
Matière souple, agréable et respirante, le coton fait partie de nos vies. On en porte quasiment tous les jours. De nos tee-shirts à nos draps, le coton est partout. Ses points forts sont tellement forts qu’on a pas encore vraiment trouvé d’alternatives. Il ne gratte pas, il ne bouloche pas, il se réchauffe juste ce qu’il faut au contact du corps, il absorbe la transpiration et contrairement à ses concurrents comme le lin, le chanvre ou les orties, il épouse correctement les lignes de votre corps et offre un joli « porté ».
Mais qui est-il ? Première fibre de textile, il nous vient d’une merveilleuse plante appelée cotonnier (espèce du genre Gossypium pour les botanistes en herbe). Jusque-là, tout va bien. Enfin presque, car cette plante nécessite d’un côté un climat sec et ensoleillé (vous n’en verrez donc jamais dans votre chère et tendre Normandie); et de l’autre de beaucoup d’eau. Énormément d’eau. Entre 5.000 et 15.000 litres par kilo récolté selon les techniques, les conditions et les variétés. Soit environ 50 baignoires. Sans la mousse.
Si vous avez Free, vous avez tout compris : Malgré sa grande soif, il doit pousser là ou il y a le moins d’eau. Afrique de l’Ouest, Inde, Brésil, Ouzbékistan, Egypte (…). Souvent aux dépends de l’agriculture vivrière, avec tout ce que cela implique pour les populations locales. Et quand on parle de populations, on ne parle pas que des 60 millions de paysans qui vivent de l’or blanc. Mais des centaines de millions de personnes (et donc d’une bonne partie de la planète) qui subissent indirectement les conséquences de cette exploitation ultra-polluante (pesticides, insecticides, engrais chimiques, irrigation artificielle, graines OGM et on en passe).
Citons pêle-mêle : intoxications mortelles, malformations, cancers, eczéma, pollution des nappes phréatiques, salinisation des sols, contamination aux métaux lourds, disparition de la mer d’Aral, extinctions d’espaces animales, etcetera, etcetera. Quand Bayer et Monsanto sont dans un bateau, ce sont la planète ET l’humanité qui tombent à l’eau.
Votre T-shirt commence à vous gratter ? Voici quelques chiffres qui ne devraient rien arranger :
⁃ Il est produit 809 kilos de coton par seconde dans le monde.
⁃ Pour un simple t-shirt, il faut environ 300 g de fil.
⁃ Pour 300 g de fil, il faut environ 1,3 kg de coton égrené et nettoyé.
⁃ Pour 1,3 kg de coton, un cueilleur doit récolter 400 capsules de coton pesant chacune entre 2,5 et 4 g.
⁃ Pour obtenir ces 400 capsules, il faut en moyenne 28 arbustes et 14 m2 de terre cultivable.
⁃ Jusqu’à 17 .000 litres d’eau sont nécessaires pour produire un T-shirt de 300 grammes.
Ouais, cool, et alors, le coton bio dans tout ça ?
La bonne nouvelle — s’il y en a une — c’est qu’on pourrait partiellement améliorer le tableau. Ni engrais chimique, ni pesticides, ni OGM… Dans les années 2000, de plus en plus de pays se sont lancés dans la production de coton bio : L’Inde en tête à 67%. La Chine à 12%. Suivi du Kyrgyzstan, de la Turquie et des Etats-Unis (3%). Toujours de bons élèves ces Américains…
Dans une culture biologique, le coton est fertilisé avec des engrais organiques tels que le fumier et le compost. Renouvellement des sols, préservation des espèces animales et des millions de litres d’eau épargnés ! Une formule magique bien réelle : « Les effets négatifs connus sur la santé et l’environnement qui découlent de la culture conventionnelle du coton n’apparaissent pas avec la culture bio. En économisant les frais élevés que représente l’achat de pesticides et d’engrais, le risque financier que prennent les paysans diminue aussi fortement », observe [l’ONG suisse Helvetas] (https://www.helvetas.ch).
Sauf que.
Sauf qu’après 10 ans de progression constante, la culture de coton bio a marqué le pas dans les années 2010. En cause notamment : le désengagement massif des producteurs indiens qui se sont dirigés vers des cultures plus rentables (le coton sans OGM, c’est bien, mais ça rapporte beaucoup moins). De plus, malgré une forte demande des marques et des consommateurs, la part du coton bio n’aura jamais dépassé… 1% de la production mondiale. C’est peu.
Enfin, plusieurs scandales ont récemment émaillé son image : traçabilité hasardeuse, mélange avec des cotons BT, valse des labels de certification aux pratiques douteuses – voire trompeuses. N’en déplaise à certains, le T-shirt bio reste un beau mirage pour bobo-écolo en mal d’idéaux.
Un bilan catastrophique, ou presque
Vous l’aurez compris, notre ami — bio ou pas — est très loin du compte. Tant sur le plan de sa fabrication que de sa matière première. Et ce malgré l’image véhiculée à travers toutes les étiquettes qu’on trouve dans les rayons des boutiques de fringues ou de nos super-marchés. Avec le T-shirt bio, le green-washing ne s’est jamais aussi bien porté. Un triste constat qui n’augure rien de bon pour les prochaines années…
Dans ce marasme textile, il y a tout de même quelques notes positives. Après 30 de mondialisation acharnée, les initiatives de re-localisation ont le vent en poupe. Economie solidaire, développement durable et distribution en circuits courts permettent d’envisager un réduction de l’empreinte carbone. Et les techniques de recyclage — qui autorisent une énorme économie en eau — se développent à grande vitesse. C’est sans doute là que se trouvent les vraies solutions : Des T-shirts produits près de chez nous avec des fibres re-conditionnées. Plus généralement : des vêtements éco-conçus « made in pas loin ».
Et pour finir sur une note d’humour, avouons que le T-shirt ne nous a jamais autant fait marrer. Si vous cherchez des T-shirts drôles, cool (et bio), cette adresse vous permettra (peut-être) de retrouver le sourire. Quant à nous, on refait le point dans 10 ans !