Parfois, il suffit d’une lettre, d’un mot pour démarrer, comme il suffit d’un pas pour entamer la marche la plus longue. On enlève une lettre à “scolaire” et cela donne “solaire”. Alors, qu’est-ce qu’une ou plutôt que pourrait être une école écologique de nos jours, une école plus verte qui ne se déroulerait plus seulement en intérieur, un lieu d’éducation plus solaire que scolaire et ce, même si la météo n’est pas tous les jours de la partie ?
Alors, ne perdons point de temps et entrons dans le vif (et comme toujours le vert !) du sujet dans ce nouvel article qui intéressera certainement parents, enseignants, ATSEM, ou tout autre adepte de l’école dans les buissons plutôt que buissonnière.
“Comme toute institution, l’école est à la fois le produit et le lieu de la reproduction de la culture dans laquelle elle s’inscrit. Elle répond donc à une vision du monde qui postule que sa compréhension passe principalement par la logique mathématique et scientifique. » Daniel Curnier, enseignant et docteur en sciences de l’environnement de l’Université de Lausanne, n’y va pas par quatre chemins. “Mathématique et scientifique”… Une civilisation “thermo-industrielle” européenne en crise qui repose donc sur la science, le capitalisme et l’impérialisme. Rien de neuf sous le soleil. Mais c’est là que ça commence à devenir intéressant. Car la crise des systèmes éducatifs et notamment celui de la France ne serait qu’un symptôme de la crise globale que nous vivons.
Deux chiffres enfin qui donnent le ton, avant d’entamer pour de bon le sujet de la vertitude à l’école. Tout d’abord, “selon un rapport de l’Institut de veille sanitaire (INVS) datant de 2015, 40 % des enfants âgés de 3 à 10 ans ne joue[raie]nt jamais dehors pendant la semaine”. D’autre part, en 40 ans, la capacité cardiovasculaire des adolescents aurait baissé de 25 %…
Ouh la gadou…
Les pionniers – tiens tiens – ce sont les américains dans les 20’s puis les danois avec une première classe “dehors” répertoriée en 1951-1952. Alors qu’environ 1 petit Danois sur cinq serait scolarisé dans l’une des 700 skovbørnehaver » (littéralement « jardin d’enfants de forêt ») du pays, il existerait au total plus de 3’000 écoles dans la forêt en Europe, dont 2 000 pour la seule Allemagne. “Elles rencontrent également un joli succès [au Royaume-Uni,] en Suisse et en Autriche”. En France, on est un peu à la traîne. La première forest school à avoir vu le jour dans l’hexagone, c’était il y a 4 ans à Marsac en Charente.
Dans la rubrique “Camille passe au vert” diffusée sur France Inter le 3 mars 2021 (dans l’émission La Terre au carré), la journaliste met en avant les bienfaits de l’enseignement en extérieur, avec notamment le développement de la conscience environnementale. Ce type de classes représente assurément un très gros vivier pour les futurs défenseurs de la Nature. Dans son ouvrage (Ed. Robert Laffont) intitulé Emmenez les enfants dehors !, la journaliste Moina Fauchier – auteur également de L’enfant dans la nature : pour une révolution verte de l’éducation (éd. Fayard, 2019) – met en avant un certain nombre d’autres avantages pour les enfants. Ce serait ainsi bénéfique “pour [un meilleur] apprentissage(s), pour la réussite scolaire, l’activité physique, la motricité, le développement personnel et social, les compétences cognitives et facultés de concentration, la créativité, la coopération, la concentration, etc.”
Poursuivons la liste – non exhaustive et peut-être pas totalement impartiale ! – des points (très) positifs que l’on peut tirer du fait d’enseigner en et avec la Nature. Tout d’abord moins de stress pour des élèves plus débrouillards acquérant davantage de confiance en eux. Étant tenus de s’adapter, “ils apprennent en outre à (…) s’auto-discipliner”, sont “laissés libres d’expérimenter (…) ce qui les rend [potentiellement] plus créatifs”. Enfin et cela fait écho au chiffre sur les capacités physiques et pulmonaires avancé en préambule, “le fait d’évoluer à l’extérieur tout au long de l’année renforce leur système immunitaire” et limite de ce fait les dépenses futures de santé.
Pour cela, pas besoin d’avoir une prairie ou une immense forêt ! Un petit carré de verdure avec pourquoi pas un mini-potager, voire – dans l’idéal – un rucher (urbain) à proximité fera l’affaire. Semer des graines dès le plus jeune âge est gage de réussite et d’éco-émancipation. Pour Anne-Caroline Prévot, écologue et chercheuse CNRS au Museum d’histoire naturelle, “jouer dehors, explorer de façon libre et sans contrainte est indispensable pour que la nature entre dans l’identité personnelle des enfants (…). Ces expériences sont aussi fondamentales que les connaissances, car on ne protège que ce qu’on aime. Sans cela la théorie ne sert à rien » (source : cheminstraverse.fr).
Le Ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports propose des guides “Bâtir école” pour chaque niveau (écoles primaire, maternelle, etc.) sur les thèmes de la construction ou de la rénovation d’une part, et de l’aménagement et/ou de l’équipement d’autre part. Pour que nos écoles soient plus feng shui et inclusives jusque dans leur architecture en gros. Sur le papier, c’est bien. Mais qu’en est-il dans la réalité ? Nos méthodes d’enseignement reposant allégrement sur la théorie et la “pensée immobile, nous sommes encore loin d’une approche holistique de l’éducation. Le corps, la créativité et les émotions ont encore très peu de place à l’école” » explique encore Moïna Fauchier-Delavigne.
La nature c’est vraiment la classe ! 🌿
WWF Suisse et son partenaire SILVIVA propose aux enseignant·e·s du Cycle 1 (4 à 8 ans) – équivalent à l’école maternelle + les 2 premières années de l’élémentaire en France – de les former sur une année durant laquelle ils·elles peuvent bénéficier d’un “soutien administratif, financier et pédagogique” comprenant des “conseils et coaching” et un accompagnement personnalisé lors de 4 sorties en forêt, voire de manière plus intensive en formation continue. L’objectif : apprendre au contact de la nature et renouer un lien fort et perrein entre forêt et jeunes citoyens coupés d’un accès privilégié à cette dernière car vivant le plus souvent en ville.
Pour les 9-15 ans, moyennant un coût annuel très raisonnable de CHF 200.-, SILVIVA a mis en place le projet « Univers forestier » visant notamment à mettre en relation écoles et forestiers et à faire de la forêt un véritable lieu d’apprentissage et de travail. Ici, “les classes se rendent régulièrement en forêt pendant deux à trois ans (suivant le canton), et en toute saison”. Les bénéficiaires apprennent ainsi à observer l’évolution d’un écosystème forestier et développent un bon niveau de compréhension. De manière très concrètes, les enfants sont amenés à épauler le·la forestier·ère. lls prennent conscience de l’importance d’être responsable et de la notion de durabilité qui plus est lorsque la classe possède « sa » propre parcelle forestière à proximité de l’école.
Si on n’a pas une forêt ou une prairie à proximité de son école, on peut toutefois se contenter d’une foultitude d’actions et de petits gestes écologiques visant à rendre plus vert cette dernière en même temps que ses élèves. Dans cet article publié le 31 mai dernier sur bienenseigner.com, des idées assez basiques mais tellement in (going out) pourraient ainsi aisément germer et essaimer un peu partout telles que le ramassage et le tri des déchets collectés en identifiant les matières recyclables et en mettant de côté les éléments qui pourraient être réutilisés au travers d’une création artistique. La valorisation de bouteilles plastique en bacs à plantes à peindre en est une bonne illustration.
Il peut mettre être envisageable et très ludique, en fonction de la taille des matériaux trouvés, de créer une course à obstacles !
En sus des traditionnels jardins – potagers et/ou ornementaux à entretenir, journées ou semaines sans gaspillage, ou de l’abandon des articles en plastique / à usage unique, d’autres actions éco-responsabilisantes peuvent être adoptées. Parmi elles, on peut retenir la visite d’un centre de recyclage ou d’un site d’enfouissement ou, surement plus concret et motivant encore pour les enfants, le fait de leur proposer de calculer leur empreinte carbone quotidienne et de voir comment ils pourraient la réduire d’un point de vue individuel et collectif au sein de l’école.
Si ce genre d’initiatives semble à ce jour largement en marge (le Réseau Français de pédagogie par la nature dénombrait une quinzaine de structures et une quarantaine de projets en France en 2019), nul ne doute que de plus en plus de directeurs·trices et d’enseignant·e·s vont intégrer dans leur programme scolaire davantage de (mises au) vert, voire un programme complet. Alors que de nombreuses parcelles de forêts sont parties en fumée l’été dernier, il est grand temps de permettre aux petits et moyens – à défaut des “grands” – de se réapproprier ces espaces magiques, on ne peut plus propices à l’intégration des préceptes du DD et au développement d’une conscience écologique élevée.
Cela passera bien évidemment par un fort soutien des pouvoirs publics dont la responsabilité de reverdir les abords et les cours d’école incombe. Plus que de simples poumons verts, ce sont des forêts urbaines pédagogiques dont les acteurs du système éducatif ont besoin. Le projet de “forêt multithématique” de l’Ecomusée du Bois et de la Forêt est un bon exemple de réappropriation de la “chose forestière » par un ensemble de parties prenantes locales dont des scolaires pour en faire un lieu d’expérimentation, d’apprentissage, de rassemblement et de partage. Avant l’homme, il y avait la forêt. Après l’homme, il y aura la forêt 🌳
Bravo pour cet article très complet et bien informé sur les bienfaits de l’enseignement dehors!
Vous citez des liens intéressants. En complément, il existe des sites qui mettent à disposition des idées de leçons en extérieur, comme notamment la plateforme enseignerdehors.ch
Inspirez-vous, échangez avec d’autres enseignant-es et découvrez les nombreux avantages à enseigner en plein air!