Saviez-vous que vous mangiez probablement sans le savoir des produits irradiés ? Non, ils n’ont pas été accidentellement exposés à un élément radioactif, ils l’ont été sciemment, dans des usines conçues pour ça. Inquiétant ? Un peu.
L’irradiation c’est quoi ?
Dans l’industrie agro alimentaire on préfère ne pas parler d’irradiation mais, plus pudiquement, d’ionisation, parfois de pasteurisation à froid ou encore de radio-conservation des aliments.
Ce changement de vocabulaire pour désigner une même technique est évidemment loin d’être anodin.
L’irradiation est destinée à :
- éliminer les bactéries et les parasites qui pourraient éventuellement infester certains aliments
- inhiber la germination
- prolonger la fraicheur apparente des aliments
Le principe est basé sur la technologie nucléaire : emballé, et toujours sur palette, l’aliment est exposé à des rayonnements électromagnétiques produits par une source radioactive, ou bien à des faisceaux d’électrons.
Exemple : une palette de cuisses de grenouilles congelées est placée dans un caisson en métal étanche et immergée en profondeur dans une piscine ou se trouve un élément radioactif. Au bout de quelques minutes le caisson ressort de l’eau, et la palette de cuisses de grenouille irradiées retourne dans le circuit de distribution.
Il existe 5 usines d’irradiation sur le territoire national. L’irradiation des aliments ne constitue qu’une faible part de leur activité, car elles traitent en majorité du matériel médical.
L’ombre d’un doute
On aurait pu croire que cette technique utilisée depuis les années 60 soulève des doutes au sein de la communauté scientifique moderne après la série de scandales sanitaires provoquée par des pratiques légales mais archaïques. De l’utilisation de l’amiante comme isolant, à l’utilisation de farines animales comme nourriture pour animaux, la leçon n’a semble t’il pas porté.
Car on ne parle jamais de l’irradiation. La pratique se poursuit dans la plus grande indifférence.
Pourtant, l’irradiation des aliments a des effets incontestables. Des modifications au coeur de l’aliment ont lieu, parfois semblables à celles qui ont lieu pendant la cuisson, parfois uniques à l’irradiation :
- formation de radicaux libres et de produits dits de radiolyse.
- dénaturation des protéines
- rupture de liaisons glucidiques
- destruction partielle de certaines vitamines dont vitamine B1, vitamine E, vitamine A et vitamine K.
On constate par exemple 11% de vitamine C en moins pour la mangue irradiée, 30% de vitamine E en moins pour le poulet.
Les changements peuvent être si marquants que certaines irradiations ont été abandonnées : les pommes de terre par exemple, qui devenaient sucrées à cause de la transformation de l’amidon par le rayonnement. De son côté la viande trop grasse rancit à l’irradiation.
Que risque t’on à manger des aliments irradiés ?
Éric Marchioni, un chercheur français, a voulu en savoir plus sur les conséquences physiologiques de l’irradiation des aliments sur l’organisme.
Il a alors découvert une molécule que l’on retrouve uniquement dans les aliments irradiés : l’alkylcyclobutanone.
Cette molécule n’existe pas à l’état naturel, ni après cuisson, même au micro-ondes. Pourtant à chaque fois que nous mangeons un aliment irradié, nous en ingérons.
Il s’est donc penché sur la dangerosité de cette molécule au cours d’une étude sur les rats :
Des rats atteints de cancer ont reçu soit des doses d’alkylcyclobutanone, soit un placebo. Après plusieurs mois, les rats qui avaient été exposés aux alkylcyclobutanone avaient développé plus de tumeurs que les autres.
La conclusion d’Eric Marchioni est sans appel : Les alkylcyclobutanones sont pro cancérogène c’est-à-dire qu’ils augmentent la dangerosité des cancers déjà présents.
Cette étude pourtant alarmante n’a malheureusement pas été suivie d’autres études, faute de financements européens ou nationaux.
Et pourtant on peut légitimement penser qu’appliquer le principe de précaution au moins dans notre assiette serait judicieux.
L’affaire des croquettes irradiées
L’exemple de la nourriture pour chats australienne est un cas d’école pour les anti irradiations :
Une épidémie de paralysie des pattes arrières chez des chats australiens a alerté une vétérinaire qui a découvert un dénominateur commun : leur nourriture.
Des croquettes pour chat, bio, et importées du Canada avaient été irradiées pour éviter la quarantaine. Mais la dose d’irradiation avait apparemment été dépassée et les conséquences sur les consommateurs félins ont été immédiates.
Par principe de précaution on n’irradie plus les aliments pour chats en Australie… mais on irradie toujours les aliments pour humains !
En France les contrôles sont rares et complexes. On peut déterminer si un aliment a été irradié, mais pas à quelle dose.
Comment éviter l’irradiation dans nos assiette
Comment savoir si ce que nous mangeons ou achetons a été irradié ? C’est loin d’être simple.
En France, on peut traiter par irradiation les aliments suivants :
Épices, aromates, crustacés, cuisses de grenouille, crevettes, légumes secs, ail oignons, herbes aromatiques surgelées, échalotes, farine, céréales, volaille, blanc d’oeuf, flocons et germes de céréales, gomme arabique, sang séché, plasma.
Difficile de connaître la quantité d’aliments traités par irradiation en 2017, car les chiffres manquent. Mais si on se base sur un rapport de l’anses de 2007 annonçant 1802 tonnes traitées en 2004, et plus de 3000 tonnes en 2006, le mouvement serait croissant.
D’autre part la complexité du commerce international fait qu’il est difficile de savoir si un produit fabriqué à partir de matière première hors EU contient ou non des produits irradiés.
Pour des produits vendus directement au consommateur la mention « traité par rayonnement ionisant » ou « traité par irradiation » doit être visible.
En principe si des produits irradiés sont utilisés comme ingrédients, l’une des deux dénominations doit être mentionnée dans la liste des ingrédients.
Le terme pasteurisation à froid, en revanche n’est pas légal, bien qu’il se retrouve parfois sur des bouteilles de jus de fruits.
Il existe également un logo, mais son utilisation est facultative et son allure, bien inoffensive fait presque penser à un logo pour produits biologiques.
Il y a bien une solution pour être certain que vous ne mangez rien d’irradié : Acheter uniquement du bio français.
Le bio français interdit l’irradiation. Si vous achetez des aliments bio et made in France à partir de matières premières d’origine française, vous pouvez être tranquille. Pour le reste, le doute est toujours possible, en particulier avec le bio venu de l’extérieur de l’Union Européenne.
Si en revanche vous voulez tester la nourriture irradiée, achetez des épices non bio et des cuisses de grenouille surgelées en provenance d’Asie, c’est garanti 100% irradié ! Ce qui est probablement préférable sous peine de se retrouver avec d’étranges parasites exotiques dans le ventre (vous imaginez ce qui traine dans la chair d’une grenouille indonésienne).
Photo poivrons irradiés : CC BY-NC-ND 2.0 Don Taylor